Une compétition de saut d’obstacles avait été organisée non loin du haras où Aloy avait son domaine, et comme je venais tout juste de revenir en ville, je me suis dit que j’allais y faire un tour, afin de découvrir un peu la région et ses chevaux. Il y avait énormément de monde, cavaliers comme visiteurs, et j’eus du mal à trouver une place dans la pâture qui faisait office de parking pour l’occasion. Je marchais un moment avant d’arriver enfin près du terrain de concours, une magnifique carrière en herbe où de nombreuses personnes étaient accoudées pour observer l’épreuve en cours. Je m’approchai alors, essayant de me frayer un chemin pour pouvoir regarder le parcours. Les obstacles étaient très colorés, avec de nombreux sous-bassement ainsi qu’un bidet qui visiblement était assez fautif. Le parcours était impressionnant, et les obstacles très hauts et très larges, et c’était un plaisir pour les yeux de voir les chevaux s’envoler au-dessus de ceux-ci. J’appréciais beaucoup ce moment, c’était super intéressant de voir une épreuve de ce niveau.

Pourtant, le speaker annonça un nom qui me sortit de mes pensées. Un cavalier venait d’entrer en piste avec un magnifique cheval bai brun avec une grande tache blanche sur la tête. Cet étalon était très élégant, avait de magnifiques allures, et quand il commença le parcours, je pus voir qu’il avait un magnifique coup de saut. Même si son nom n’avait pas été annoncé, je l’aurai reconnu entre mille. C’était Tenebrae, un cheval né au domaine du Souvenir. A l’époque, malgré la grande fierté d’Aloy face à ce poulain, elle avait dû le vendre, une décision qui avait été très difficile pour elle. Pourtant, je me souviens de lui comme si c’était hier. J’avais eu un énorme coup de cœur pour lui, mais j’étais trop jeune. J’avais été aussi triste qu’Aloy quand il était parti, mais j’étais fière le voir aujourd’hui à ce niveau. Il était devenu un magnifique cheval qui devait faire la joie de son cavalier. En plus, il finit son parcours avec un magnifique sans faute. Pourtant, en sortie de piste, il ne reçut aucune caresse, aucune félicitation et signe de remerciement. Je décidai alors de suivre le couple jusqu’à la carrière de détente.

Je me faufilai entre les spectateurs, et arrivai enfin à la carrière. Alors que je pensais voir un cheval trotter ou au moins marcher pour le faire récupérer après l’effort qu’il venait de fournir, je vis simplement son cavalier qui avait déjà mis pied à terre, en tendant les rênes violement vers ce qui devait être sa groom. Celle-ci le ramena alors vers son écurie, alors que le pauvre Tenebrae était encore essoufflé. Je les suivis discrètement, et alors qu’elle commençait à desseller le cheval dans son box, elle non plus ne lui offrit aucune caresse, aucune friandise, aucune marque d’affection. Mon regard croisa alors celui de l’étalon. Il était vide, sans aucune émotion, ce qui me mit presque les larmes aux yeux. Lui qui était si pleins de vie et si joyeux poulain, n’était plus que l’ombre de lui-même. Je pris mon courage à deux mains et interpelai la groom.

- « Excusez-moi, je m’appelle Aveline, je travaille au Domaine du Souvenir, là où est né Tenebrae. Vous n’avez pas oublié quelque chose là ? »

Elle me regarda sans dire un mot, restant bouché-bée.

- « Il a fait un super parcours, mais après tant d’effort, son cavalier ou vous ne lui avez même pas laisser le temps de récupérer, ni même de reprendre son souffle. Tout l’acide lactique produit par ses muscles va rester dans son corps et il aura pleins de courbature demain. En plus, il n’a reçu aucune caresse, c’est la moindre des choses après le parcours sans-faute qu’il a réalisé !
- Ça, c’est pas mon problème, je fais ce que son cavalier me demande, point barre. De toute façon, il est de moins en moins performant, il ne fournit plus aucun effort, alors on va s’en débarrasser. »

Ses paroles me choquèrent à un tel point que je ne sus quoi lui répondre. Elle s’éloigna alors pour aller ranger les affaires du cheval, ce qui me permit de l’approcher. Il était un fond de son box, fouillant sa litière de copaux à la recherche des derniers brins de foin. Je m’accoudai sur la porte de son box tout en l’appelant par son nom. Il releva la tête, mais il ne bougea pas. Je lui tendis ma main, mais il n’eut aucune réaction. « Mais qu’ont-ils fait de toi, mon pauvre Tenebrae ? » Même le morceau de carotte que je lui tendis ne suffit pas à le faire approcher de moi. Je savais que je n’avais pas le droit, mais j’ouvris alors la porte du box, et tenta de m’approcher du bel étalon. Je tendis doucement ma main vers lui, qu’il finit par sentir, sans grande conviction. Je continuai à aller vers lui doucement, et lui fis quelques caresses sur l’encolure. Il eut un petit frisson, mais se laissa faire, même si je sentais son corps tendu sous ma main. Je lui donnai quelques petites carottes. Il hésita, mais finit par les manger. Je ne devais pas trainer si je ne voulais pas me faire repérer, alors je lui mis quelques carottes dans sa mangeoire, et m’éloignai.

Je ne pouvais pas le laisser entre les mains de ces personnes qui n’en avait rien à faire de Tenebrae, il n’était qu’un moyen de gagner de l’argent, et ne le considérait pas à sa juste valeur. Je pris alors ma voiture et roulai à toute vitesse pour rejoindre le domaine. Je devais absolument en parler à Aloy, elle saurait sûrement comment m’aider, et j’étais sûre qu’elle le ferait, ne serait-ce que pour l’étalon qu’elle avait fait naître. Je rentrai à toute vitesse dans le club house du domaine et pris l’ordinateur. Je me renseignais alors sur le cavalier du Westphalien, ainsi que sur les écuries à qui il appartenait, et finis par prendre le téléphone. Au bout du fil, j’eus un homme qui avait effectivement l’intention de vendre le cheval car, d’après lui, il ne montrait aucune envie au travail et devenait moins performant en concours, en sommes, il ne leur rapportait plus assez d’argent. C’était tout ce qui les intéressait, l’argent, et non le bonheur de l’étalon, il en s’étonnait encore du comportement de Tenebrae… Bandes de cons. Nous convînmes alors d’un arrangement ainsi que d’un rendez-vous. J’allais pouvoir le sortir de là.

J’avais si hâte d’être aujourd’hui que je n’en avais presque pas dormi. Je pris à peine le temps de déjeuner, puis je sortis de la demeure pour commencer à préparer tout ce dont j’avais besoin. J’attelai donc le van à ma voiture, puis je me dirigeai vers la sellerie pour rassembler mes affaires. Je pris donc un nécessaire de pansage, ainsi que quelques produits de soin, au cas où. Je préparais un licol ainsi qu’une longe, une couverture polaire ainsi qu’une d’écurie, et des protections de transports pour ses membres et aussi sa queue, puis j’emmenai le tout dans le coffre. Je vérifiai que tout était bon, que j’avais pris tout le nécessaire, puis j’entrai dans ma voiture, attachai ma ceinture et mis le moteur en marche, puis je pris la direction des écuries dans lesquelles Tenebrae était. La route ma parut vraiment très longue, comme si les écuries s’éloignaient à mesure des kilomètres que je faisais, mais je finis quand même par y arriver, enfin.

Je me garai près de l’entrée, puis je descendis de la voiture en prenant dans mon sac les brosses ainsi que le licol. Je me dirigeai vers le bureau, où devait m’attendre le propriétaire des écuries et donc de Tenebrae. Il ne me posa aucune question, ne m’adressa à peine la parole, il attendait simplement que je le paye pour me tendre les papiers de l’étalon. Il finit tout de même par m’ajouter qu’il était bien content de se débarrasser ce « foutu cheval qui ne servait plus à rien ». La colère monta en moi, et je dus me retenir de lui flanquer mon poing en pleine figure. Je préférai l’ignorer et je me dirigeai vers le box de l’étalon. Un des grooms était déjà dans son box en train de retirer ses couvertures, puis il me fixa avec un regard noir. « Tu pensais quand même pas qu’on allait te donner les couvertures avec ? » Evidemment… Le bien-être du cheval n’était vraiment pas leur priorité, et le laisser sans protection alors qu’il était tondu et que les températures étaient négatives ne leur posait visiblement aucun problème.

J’entrai à mon tour dans le box, en tendant doucement ma main vers lui. Il la sentit sans grand intérêt alors je le caressai doucement sur le chanfrein et sur l’encolure. Je lui mis alors le licol en cuir recouvert de moumoute, puis je le sortis du box. Je l’amenai alors près du van où je l’attachai, puis je lui mis les deux couvertures que j’avais apporté, en premier la polaire, puis la couverture d’écurie. J’attachai également sa protection de queue et lui mis les protections de transports. Tant pis pour le pansage, je le ferais une fois arrivés au domaine, le plus important était de le sortir de là, et de toute façon il n’était pas vraiment sale. Une fois prêt, je le caressai de nouveau puis lui donnai quelques friandises. J’ouvris alors le pont du van, et fis embarqué Tenebrae, qui malgré qu’il se montrait distant avec moi, coopéra et entra sans difficulté. Je lui donnai de nouveau une friandise puis je l’attachai et refermai la barre derrière lui, puis le pont. Je mis ensuite mon sac dans ma voiture et entrai à l’intérieur afin de reprendre la route.

Je fus très contente de rentrer au domaine, un lieu où Tenebrae serait enfin heureux et pas surexploité. Je me garai près de l’écurie, et me dépêchai d’ouvrir le van, détachai la barre de métal, puis j’entrai à l’intérieur pour sortir l’étalon. Il commençait à neiger et le vent soufflait fort, et Tenebrae commençait à paniquer, et tirait sur sa longe. Je me dépêchai de le détacher, et il recula alors d’un coup, en m’emportant en même temps. Je faillis trébucher, mais je réussi à rester en équilibre et je finis par rassurer l’étalon qui je fis entrer dans l’écurie, l’installant sur une aire de pansage. Je courrais à la voiture pour refermer le van et prendre mes affaires dans le coffre pour revenir ensuite vers Tenebrae qui s’était calmé. Je lui retirai donc ses protections de transports. Je retirai ensuite sa couverture d’écurie et repliai sa polaire sur ses reins. Je pris alors mon étrille et fis de petits cercles sur son corps, en soulevant la polaire pour brosser sa croupe. Je fis la même chose avec le bouchon en faisant de petits allers-retours. Je nettoyai également ses membres délicats et sa tête. Je finis par la brosse douce en repassant sur toutes les parties de son corps.

Je curai ensuite ses pieds et lui mis de l’onguent pour protéger ses sabots de l’humidité des sols, puis j’appliquai un démêlant sur ses crins qui était également nourrissant, puis je pris ma brosse à crins pour retirer tous les nœuds. Voilà que l’étalon était vraiment propre et magnifique. J’avais encore du mal à croire que j’étais désormais sa propriétaire, mais j’en étais très fière et très heureuse. Je lui remis sa polaire et le caressais un long moment, tout en lui donnant quelques friandises. Je regardai dehors, et je vis alors que la météo avait bien changé, le soleil était revenu et le vent s’était calmé, alors je lui mis une couverture imperméable, puis je le détachai. Je l’amenai dans un paddock, qui était évidemment doté d’un abri, comme tous les paddocks, au cas où le mauvais temps serait de retour. J’ouvris alors la porte, et Tenebrae comprit qu’il allait aller dedans, alors il commença à trottiner sur place, sans pour autant tirer sur le longe. Visiblement il n’était pas beaucoup sorti de son box dans son ancienne écurie, à part pour travailler. Je finis par retirer son licol, et l’étalon partit au galop et fit le tour de son pré en enchainant les ruades avec quelques cabrés, puis il se roula un peu plus loin, et se releva pour continuer ses cabrioles. Je le laissais s’amuser tranquillement pendant que j’allais ranger mes affaires.